🙏🏻 Merci à la Provence pour cet article paru ce jour 🩷
Voici une transcription du texte intégral de l’article :
𝐔𝐧 𝐩𝐞𝐭𝐢𝐭 𝐛𝐨𝐮𝐭 𝐝’𝐈𝐭𝐚𝐥𝐢𝐞 𝐠𝐨𝐮𝐫𝐦𝐚𝐧𝐝𝐞 𝐩𝐞𝐫𝐜𝐡𝐞́ 𝐞𝐧 𝐡𝐚𝐮𝐭 𝐝𝐮 𝐩𝐚𝐲𝐬 𝐝’𝐀𝐢𝐱
À Mimet, plus haut village des Bouches-du-Rhône, le cuisinier vénitien Michel Basaldella fait vivre cette vraie gastronomie transalpine qu’on aime tant. Départ pour un voyage culinaire à la table du Grand Puech.
L’Italie est une terre d’irrésistible gastronomie et la Provence un bout de France où nombre de cuisines fleurent bon la Botte. Et pourtant, dans un océan de pizzerias moyennes et de trattorias sans relief, pas facile de vraiment bien manger italien par chez nous. Ce constat n’est évidemment pas une vérité absolue et, de loin en loin, quelques adresses parviennent à retrouver l’esprit de la véritable restauration italienne, celle où le produit est roi, les assiettes franches et gourmandes et le cuisinier ou la cuisinière jamais très éloigné(e) de ses souvenirs d’enfance de grandes tablées familiales.
Parmi ces oasis transalpines par chez nous, il en est une particulièrement cher à notre cœur : c’est Le Grand Puech, restaurant perché tout en haut des Bouches-du-Rhône (pas de quoi donner le vertige à un Savoyard non plus, on culmine à 500 m…), à Mimet, au sud d’Aix-en-Provence. C’est là que, depuis le printemps 2019, Michel Basaldella tient les fourneaux. Ne vous laissez pas tromper par le prénom, on parle d’un Vénitien pur jus. Mais les hasards d’une naissance à Genève lui ont légué cette version francophone du Michele transalpin.
Michel Basaldella s’est d’abord formé à la cuisine à l’hôtel Danieli, dans la ville qui l’a vu grandir, Venise, République dans la République, même en matière de gastronomie. Puis le jeune cuisinier se lance dans un tour d’Europe des belles adresses : le Crown Plaza de Rome, La Taverna à Berlin, l’enoteca Il Calice à Moscou, le Hyde Park Hotel à Londres, avant d’affûter encore ses couteaux au Royal Monceau à Paris, « 𝑞𝑢𝑖 𝑣𝑒𝑛𝑎𝑖𝑡 𝑑’𝑜𝑢𝑣𝑟𝑖𝑟 𝑢𝑛 𝑟𝑒𝑠𝑡𝑜 𝑖𝑡𝑎𝑙𝑖𝑒𝑛, 𝑙𝑒 𝑝𝑟𝑒𝑚𝑖𝑒𝑟 𝐼𝑡𝑎𝑙𝑖𝑒𝑛 𝑑𝑒 𝐹𝑟𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑒́𝑡𝑜𝑖𝑙𝑒́ », se souvient le chef vénitien.
S’il a fait ses gammes dans la haute gastronomie, sa passion est ailleurs, dans une cuisine du produit de saison et local plus simple et directe. Quand on croise Michel Basaldella la première fois à Marseille en 2017, cet infatigable ambassadeur de la
slow food officie chaque jeudi soir en candidat libre (il empoche les bénéfices du repas, le lieu ceux des boissons) à la Casa Consolat, repère italo-anarchiste de la rue du même nom, en haut de La Canebière. Bien vite, ses assiettes lèche-doigts attirent l’attention.
Sa cuisine a depuis pris ses aises et gagné en personnalité. « 𝐿’𝑖𝑑𝑒́𝑒, 𝑐’𝑒𝑠𝑡 𝑑𝑒 𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑠𝑖𝑚𝑝𝑙𝑒 𝑒𝑡 𝑏𝑜𝑛 », explique-t-il, assis sur sa terrasse envahie de verdure d’où l’on aperçoit le sommet du Grand Puech d’un côté, la chaîne de l’étoile de l’autre. « 𝐶𝑜𝑚𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑜𝑛 𝑦 𝑎𝑟𝑟𝑖𝑣𝑒 ? 𝐸𝑛 𝑒́𝑝𝑢𝑟𝑎𝑛𝑡 𝑡𝑜𝑢𝑗𝑜𝑢𝑟𝑠 𝑠𝑜𝑛 𝑔𝑒𝑠𝑡𝑒, 𝑠𝑒𝑠 𝑝𝑟𝑒́𝑝𝑎𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑒𝑛 𝑟𝑒𝑠𝑝𝑒𝑐𝑡𝑎𝑛𝑡 𝑙𝑒𝑠 𝑟𝑒𝑐𝑒𝑡𝑡𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑙𝑒𝑠 𝑝𝑟𝑜𝑑𝑢𝑖𝑡𝑠. » Il a ainsi convaincu un boucher de lui découper spécialement le muscle du diaphragme de bœuf (la hampe), morceau rarement travaillé à part en boucherie française. « 𝑂𝑢𝑖 𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑢𝑛 𝑣𝑟𝑎𝑖 𝑎𝑙 𝑟𝑎𝑔𝑢̀, 𝑖𝑙 𝑓𝑎𝑢𝑡 𝑙𝑒 𝑑𝑖𝑎𝑝ℎ𝑟𝑎𝑔𝑚𝑒 𝑒𝑡 𝑝𝑢𝑖𝑠 𝑎𝑢𝑠𝑠𝑖 𝑑𝑢 𝑐𝑜𝑐ℎ𝑜𝑛, 𝑑𝑢 𝑝𝑒𝑡𝑖𝑡 𝑠𝑎𝑙𝑒́ 𝑒𝑡 𝑐𝑖𝑛𝑞 ℎ𝑒𝑢𝑟𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑐𝑢𝑖𝑠𝑠𝑜𝑛 », estime Michel Basaldella, garçon souple et bonhomme sauf si on lui tord son livre de recettes…
Point de bolognaise au menu le jour où on grimpe à Mimet mais une focaccia maison à tomber, croustillante dessus, fondante dedans, dont on aurait bien fait un repas entier. Ce qui, en fait, eût été dommage au regard de la suite, à savoir un jambon de Parme affinage 24 mois qui se couperait presque à la cuiller. On fait l’impasse sur les sardines in saor (aigre-douce), plat typique des quais de Venise, pas parce qu’elles ne valent pas le détour mais parce qu’on les a déjà goûtées lors d’une précédente visite.
On file donc directement au risotto de lotte aux petits légumes verts (il faut toujours tenter au moins une assiette iodée quand un Vénitien est aux manettes). Bonne pioche. Relevé d’un fumet de poisson et d’une touche de parmesan, le plat est généreux, réconfortant et pourtant sans mollesse, retendu par la chlorophylle des légumes et quelques câpres. Pour accompagner tout ça, on se laisse guider au travers d’une belle sélection de vins italiens dont un superbe blanc du Frioul (Villa Russiz, cuvée Les Enfants) à la fois riche et complexe.
Pour le sucré, on quitte la Vénétie, direction le Piémont avec un bonet, gâteau à la cuiller typique de la cuisine turinoise, relevé de cacao et d’amaretto. La belle amertume de l’amande répond à la richesse aromatique de la fève, une petite tuile sucrée à l’artichaut nous surprend les papilles. On ne parle pas italien à la fin du repas mais presque.
📰 Guénaël LEMOUÉE